La FNA et le Synacomex alertent sur le choc du Farm to Fork
Lors d’une conférence, mardi 26 octobre, la Fédération du négoce agricole et le Synacomex ont pointé du doigt, à partir d’une étude du Cocéral, l’onde de choc que provoquerait la stratégie européenne Farm to Fork.
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Avec pour intitulé de leur conférence commune « Farm to Fork : un choc à venir pour les entreprises du commerce des grains », la Fédération du négoce agricole (FNA) et le Synacomex ont donné le ton du débat auquel étaient conviés Philippe Mitko, président du Cocéral, Étienne Armbruster, DG du négoce Armbruster, Jean-François Lépy, DG de Soufflet Négoce, Raphaël Latz, président du Synacomex, et Antoine Pissier, président de la FNA et DG délégué de Pissier SA.
« Les PSN seront contraignants »
Le président de la FNA a introduit la conférence en alertant sur le choc que va générer la nouvelle politique européenne du Farm to Fork qui a été adoptée par le Parlement européen le 19 octobre au soir. « En choisissant de fixer un cadre particulièrement contraignant et dans un délai particulièrement court, l’UE risque de provoquer un véritable choc pour nos secteurs économiques. Et même si les objectifs de la stratégie Farm to Fork sont annoncés non contraignants, les plans stratégiques nationaux qui doivent s’y conformer seront, eux, contraignants. » Tout en rappelant que les entreprises de négoce « n’ont pas attendu Farm to Fork pour prendre en compte l’environnement ».
D’ailleurs, au congrès de la FC2A de novembre 2020, la profession du négoce avait partagé son inquiétude d’une « transition agroécologique trop rapide, aux conséquences non évaluées et non chiffrées ». À partir de là, la FNA a lancé une étude des conséquences de cette stratégie avec ses partenaires européens du Cocéral et s’est associée au Grain club pour demander une étude à l’université de Kiel. Par ailleurs, d’autres études ont été réalisées depuis : celles de l’USDA, du centre commun de recherche de l’UE ou encore de l’université de Wageningen.
Des échanges nets devenant déficitaires
Des études qui « vont dans le même sens, lance Philippe Mitko. Celle du Cocéral a été réalisée par nos experts. Selon un scénario moyen, on analyse dans l’UE à 27, à l’horizon 2030, une baisse de 15 % en blé tendre, de 13 % en maïs, de 16 % en orge et de 17 % en oléoprotéagineux avec le colza qui trinque le plus (− 4 Mt). » Avec pour conséquences des échanges nets déficitaires à hauteur de − 18 Mt en céréales et des pays à forte productivité, comme la France et l’Allemagne, les plus touchés.
De son côté, Raphaël Latz partage son inquiétude face à la chute de production annoncée : « À l’heure du changement climatique et avec une population mondiale en expansion continue, qui remplacera les céréales de l’UE auprès de ses clients ? D’autres pays qui peuvent mettre en production des réserves de terres auraient besoin de 2 à 4 fois plus de surfaces, car leur productivité est très inférieure à celle de l’UE. »
Pour Étienne Armbruster, cette situation à venir le met dans une situation embarrassante vis-à-vis de ses clients qui lui glissent : « La France ne sera plus là demain, il va falloir trouver d’autres sources d’approvisionnement ». Et il rajoute que « la trajectoire prise par l’UE me sidère. » Pour sa part, Jean-François Lépy renchérit en soulignant que « si on devient importateur, on renverse tous les équilibres et on va anéantir la compétitivité de toute la chaîne alimentaire ».
Un souci de timing
L’analyse du Cocéral a été réalisée car la Commission européenne part du principe que la réduction de la production attendue sera compensée par la baisse de consommation avec le changement de régime alimentaire et la réduction du gaspillage alimentaire et par la minoration des baisses de production grâce aux nouvelles technologies. « Cependant, ces évolutions seront très lentes, le temps d’une génération, soit trente ans, et on a alors un souci de timing entre le moment où on aura mis en route les leviers et l’autre côté de l’équation qui sera réalisé avec un très gros problème dans ce laps de temps », estime Philippe Mitko.
Si l’enjeu de la durabilité des systèmes agricole et agroalimentaire n’est cependant pas discuté, c’est le chemin pour y parvenir qui est remis en question. Et « si les textes du Farm to Fork ne sont pas contraignants, ils seront cependant la loi demain, et on ne pourra pas s’en affranchir comme cela et ce n’est pas l’objet », souligne Philippe Mitko.
Hélène LaurandelPour accéder à l'ensembles nos offres :